Sur le chemin des Îles blanches.
Quinze ans déjà que je photographie les grandes cités bâties par l’Homme. Seule la nature et ses grands espaces m’apaisent.
Sur un coup de tête, je suis parti me nourrir des paysages qu’offrent là-haut les terres et les mers du cercle polaire. Ils m’étaient inconnus.
Décembre 2019. Une forte fièvre, j’émerge, hagard au cours de la nuit, je crois percevoir par la fenêtre les vibrations vertes des nuits boréales. Ce n’était que la diode d’un chargeur glissé sous un panier à linge vide qui se diffusait en oscillant au travers du tissu.
Je me mets en route à l’aube. A cette époque de l’année, je n’aurai que trois heures.
68ème parallèle nord : j’ai décidé de parcourir toutes les routes de ces îles-montagnes. Toutes. Jusqu’au dénouement de chacune. J’y retournerai. Entre mes deux séjours, la révolution des astres aura plongé la région dans la nuit polaire trois semaines durant.
Loin du béton des villes que je questionne, parcourir cette bande étroite d’immensité et de puissance est un salut. Ici, les repères sont altérés, les plages sont enneigées. La force des éléments, les lumières, le dessin du monde, y sont à chaque instant un miracle. Devant ce spectacle, je ne peux m’empêcher de juger la condition urbaine vécue par la moitié de l’humanité.
Loin du tumulte, quelques maisons parsèment le paysage. Le long des routes et de quelques ouvrages humains, tissant un collier, les perles sont des îles blanches faites de roches, jeunes et abruptes. Seul le silence.
Cyrus Cornut.